À L’ Église Évangélique du Cameroun, l’omerta imposé par la hiérarchie enveloppe obstinément l’homélie et crée un épais rideau de nuages entre les bergers et les ouailles. Dans une correspondance datant du 10 janvier dernier, Alexandre Billa Mbenga muselle les ouvriers ecclésiastiques.

Le président de L’EEC proscrit aux pasteurs tout débat politique

Par Thomas Tankou______________

Le président de l’Église Évangélique du Cameroun (EEC), vient de prendre une décision marquante qui suscite des réactions au sein de la communauté chrétienne et au-delà. Dans une correspondance datée du 10 janvier, il a interdit formellement aux pasteurs de s’immiscer dans les débats politiques, une directive qui, selon lui, vise à maintenir la neutralité de l’Église et à éviter de potentiels troubles au sein de l’opinion publique.

Décision controversée…

Cette mesure intervient dans un contexte où des évêques de l’Église catholique romaine ont pris des positions publiques sur la situation politique au Cameroun. Notamment sur une éventuelle candidature de Paul Biya à la prochaine présidentielle.
Billa Mbenga justifie son interdiction par la nécessité de préserver l’harmonie au sein de la communauté chrétienne et de ne pas exacerber les tensions déjà présentes dans la société. Il réitère que, toute prise de position politique doit relever de la seule compétence du Synode général de l’EEC, une structure qui regroupe les représentants des différentes régions synodales.

Le président de l’EEC a également souligné l’importance de la réforme de 1517, qui a donné naissance au protestantisme. Ce mouvement, initié par Martin Luther, a été fondamental dans l’émancipation des chrétiens protestants du suivisme, c’est-à-dire de la soumission aveugle aux autorités ecclésiastiques. En affirmant que « l’Écriture seule » est la source d’autorité pour les chrétiens, la réforme a encouragé une relation personnelle et directe avec Dieu, affranchissant ainsi les fidèles des interprétations et des directives des clercs.

Les implications d’une interdiction…

L’interdiction formulée par Billa Mbenga pourrait avoir des répercussions significatives sur la dynamique entre l’Église et l’État au Cameroun. En limitant la capacité des pasteurs à s’exprimer sur des questions politiques, le président de l’EEC semble vouloir protéger l’intégrité spirituelle de l’Église tout en évitant les controverses qui pourraient en découler.

Cependant, cette décision soulève des questions sur la liberté d’expression des pasteurs et leur rôle en tant que leaders d’opinion au sein de la communauté. Dans un pays où la politique et la religion sont souvent entremêlées, cette ligne de conduite pourrait être difficile à appliquer et pourrait engendrer des frustrations parmi les fidèles qui attendent des leaders religieux qu’ils prennent position sur des enjeux sociaux et politiques cruciaux.

Muselière..

En interdisant aux pasteurs de s’engager dans le débat public, Alexandre Billa Mbenga cherche à protéger l’Église Évangélique du Cameroun d’éventuels troubles, en se basant sur les principes fondateurs du protestantisme. Toutefois, cette décision pose la question de la place des leaders religieux dans le discours politique et de leur responsabilité envers leurs fidèles dans un contexte socio-politique complexe.

Alors que les tensions politiques persistent, il sera intéressant de voir comment cette directive sera accueillie par les pasteurs et les fidèles, et si elle pourra véritablement maintenir la paix et l’harmonie au sein de la communauté chrétienne.

EN RAPPEL…

La réforme de 1517, souvent associée à Martin Luther, représente un tournant majeur dans l’histoire religieuse et sociale de l’Europe. En publiant ses 95 thèses, Luther a ouvert un débat sur des pratiques de l’Église catholique, notamment la vente d’indulgences. Ce mouvement a non seulement contesté l’autorité papale, mais a aussi donné aux croyants un sens accru de leur autonomie spirituelle.

L’émancipation des protestants du suivisme peut être comprise à plusieurs niveaux. Premièrement, la réforme a encouragé l’idée que chaque individu pouvait interpréter les Écritures sans l’intermédiaire d’un clergé, ce qui a favorisé un rapport direct et personnel à la foi. Deuxièmement, cela a conduit à la diversification des croyances et à l’émergence de plusieurs dénominations protestantes, chacune avec ses propres doctrines et pratiques.

Cette rupture avec le suivisme a eu des implications profondes, non seulement sur le plan religieux, mais aussi sur les sphères politique et sociale, en contribuant à la montée de l’individualisme et en posant les bases de la modernité. En somme, la réforme de 1517 a non seulement redéfini la relation des croyants avec Dieu, mais a également initié un processus de questionnement et de réforme qui a touché l’ensemble de la société européenne.