Nos confrères du journal Diapason sonnent l’alerte. La date butoir du 30 avril 2025, fixée par la Beac aux entreprises pétrolières et minières de la zone Cemac pour se conformer à la loi sur les fonds de restitution des zones exploitées, s’annonce explosive. Alors que le remboursement de ces fonds, représentant plus de 6 000 milliards de Francs Cfa, pourrait renflouer les caisses de la Beac, un revirement de situation majeur menace.
Le Franc Cfa au bord du précipice
Par Thomas Tankou_____________
Après des assurances initiales de soutien de la part de Paris et Washington, un veto de ces mêmes puissances semble se profiler. L’avocat britannique Steven Galbraith, mandaté par les compagnies pétrolières, est attendu à Libreville pour présenter des propositions alternatives visant à contourner la levée de l’immunité d’exécution, une manœuvre dénoncée comme une violation de l’indépendance et de la réglementation des changes.
Le rejet prévisible de ces propositions par la Beac et ses partenaires, lors d’une réunion cruciale, a conduit à la convocation d’un Comité ministériel d’urgence de l’institution. L’enjeu est de taille : des intérêts colossaux sont en jeu, capables de renforcer significativement les avoirs des pays de la zone Cemac. Cependant, les partenaires occidentaux semblent jouer la montre.
Il est impératif que les chefs d’État de la Cemac se mobilisent et apportent un soutien sans faille à la Beac et à ses partenaires, qui luttent, jusqu’à présent sans succès, pour le rapatriement de ces fonds vitaux.
À l’instar des autorités françaises et américaines, qui interviennent activement pour défendre leurs entreprises, les dirigeants de la Cemac doivent prendre leurs responsabilités pour garantir la survie de leurs économies et de leurs citoyens.
Le risque est clair : une dévaluation du Franc Cfa. La dépendance des économies d’Afrique centrale vis-à-vis du Trésor français, où une part importante de leurs réserves est logée, les rend particulièrement vulnérables. L’heure est grave. La Cemac doit agir avec détermination pour préserver son avenir économique et monétaire.
Une incompréhensible dépendance historique…
L’arrimage du Franc Cfa au Trésor français, bien qu’ayant historiquement offert une certaine stabilité monétaire aux pays de la zone, comporte également des risques et des inconvénients, notamment en ce qui concerne la gestion des réserves de change. Voici quelques points clés :
Perte de souveraineté monétaire…
Les pays de la zone Franc Cfa ont une capacité limitée à mener une politique monétaire indépendante. Les décisions relatives aux taux d’intérêt et à la valeur du Franc Cfa sont largement influencées par la Banque Centrale Européenne (BCE) et la France, ce qui peut ne pas toujours être optimal pour les économies locales.
Dépendance vis-à-vis de la politique économique française…
La garantie du Trésor français est conditionnée par le respect de certaines règles budgétaires et économiques. Cela peut limiter la marge de manœuvre des gouvernements africains pour mettre en œuvre des politiques adaptées à leurs propres besoins et priorités.
Risque de détérioration des termes de change…
Bien que l’arrimage à l’euro offre une certaine stabilité par rapport à cette devise, il expose les pays de la zone Franc Cfa aux fluctuations de l’euro par rapport aux autres devises. Une appréciation de l’euro peut rendre les exportations de ces pays moins compétitives.
Transfert de ressources…
Le mécanisme des réserves de change centralisées au Trésor français a été critiqué pour potentiellement entraîner un transfert de ressources des pays africains vers la France, bien que les intérêts sur ces réserves soient censés revenir aux pays africains.
Manque de diversification des réserves…
Le fait de concentrer une grande partie des réserves de change au Trésor français limite la diversification des actifs et peut donc réduire les opportunités de rendement et augmenter la vulnérabilité aux risques liés à la situation économique de la France.
Il est important de noter que ces questions sont au cœur des débats sur l’avenir du Franc Cfa, avec des appels croissants à une réforme ou à une rupture avec le système actuel pour permettre aux pays africains de mieux contrôler leur politique monétaire et de favoriser un développement économique plus autonome.