L’enseignant de journalisme et l’un des doyens de la profession en Afrique noire francophone fait une analyse sans concessions. Le Camerounais Xavier Messe fait un zoom-back sur l’affaire Nicolas Sarkozy, récemment mise en lumière par les journalistes de Médiapart.

Condamnation de l’ancien président français, grâce aux dénonciations médiatiques

Par Thomas Tankou______________

Cette affaire soulève des questions fondamentales sur le rôle de la presse dans nos sociétés dans les États africains, notamment dans des contextes de dictature.
Alors que la France semble avoir redécouvert le pouvoir d’une presse d’investigation, en Afrique subsaharienne, la situation est souvent marquée par la clochardisation et l’infantilisation des journalistes.

Le pouvoir de la Presse en question…

La comparaison entre le travail de Fabrice Arfi et Karl Laske et celui de Bob Woodward et Carl Bernstein durant le Watergate met en exergue un modèle efficace : une presse indépendante, capable de mener des enquêtes approfondies et de relayer des informations cruciales pour la justice.
Dans les deux cas, c’est la persévérance des journalistes qui a permis de révéler des vérités cachées, entraînant des conséquences majeures pour les dirigeants incriminés.

La situation en France montre que la presse peut effectivement exercer un pouvoir significatif lorsqu’elle collabore avec la justice. Cela soulève la question de la vitalité de ce modèle dans d’autres contextes, notamment dans les dictatures tropicales.

Clochardisation et infantilisation des journalistes…

Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les journalistes font face à des conditions de travail désastreuses. Souvent mal payés, exposés à des menaces physiques et juridiques, et exposés à l’autocensure pour des besoins alimentaires, ils se retrouvent dans une situation de clochardisation. Cette précarisation entrave leur capacité à enquêter librement, à dénoncer les abus et à informatiser le public.

L’infantilisation des journalistes, souvent maintenus sous l’ombre d’un pouvoir autoritaire, se manifeste par l’absence de soutien institutionnel et une dépendance accrue vis-à-vis de sources gouvernementales ou de financements étrangers.
Cette dynamique crée un cycle vicieux où les journalistes sont réduits à de simples porte-parole, ou de dangereux propagandistes. Incapables d’agir comme des acteurs critiques au sein de la société.

Médiapart : Un modèle inspirant…

L’exemple de Médiapart, qui a réussi à faire tomber un ancien président grâce à un travail d’enquête acharné, offre une lueur d’espoir. Cela démontre que, malgré les obstacles, une presse indépendante peut avoir un impact significatif.
Xavier Messe, enseignant de journalisme, souligne l’importance de la synergie entre la presse et la justice pour garantir un véritable pouvoir aux journalistes.

Pour que les journalistes dans les dictatures tropicales puissent également jouer un rôle similaire, il est crucial de créer des environnements favorables, où la liberté d’expression et l’indépendance des journalistes sont protégées.
Cela nécessite des efforts concertés de la part de la communauté internationale, des Ong et des gouvernements pour soutenir une presse libre.

La presse comme contre-pouvoir…

Le cas de Médiapart rappelle que la presse peut et doit être un contre-pouvoir, même dans des contextes difficiles. En Afrique subsaharienne, il est impératif de renverser la tendance à la clochardisation et à l’infantilisation des journalistes. En renforçant la liberté de la presse et en soutenant des initiatives journalistiques indépendantes, nous pouvons espérer voir émerger une presse qui, à l’instar de Médiapart, redonnera son pouvoir à la société et à la justice.