La revision du budget de l’année en cours au Cameroun, qui atteint désormais 7 735,9 milliards de FCfa, dénote d’une volonté du gouvernement de s’adapter aux incertitudes actuels au Cameroun.
Analyse de la situation.
Le spectre des villes mortes risque d’hypothéquer la rallonge du budget de 2025
Par Thomas Tankou____________
Alors que le budget 2025 cherche à compenser la chute des recettes pétrolières et à répondre à des besoins de financement accrus, de nombreuses incertitudes planent sur la possibilité de le boucler. Les éléments qui pourraient compromettre ces ambitions sont divers.
Contexte budgétaire…
La révision du budget de 2025, augmentée de 418,2 milliards de FCfa, s’inscrit dans une logique de réaction face à la diminution annoncée des recettes internes, en particulier celles liées aux hydrocarbures. Les prévisions indiquent une chute significative des recettes pétrolières, affichant une contraction de 93,3 milliards de FCFA pour cette catégorie. Ce phénomène, exacerbé par la fluctuation des prix du baril de pétrole, la baisse de production et la montée du dollar, constitue un sérieux rempart à la croissance des recettes publiques.
Face à une hausse simultanée des dépenses, notamment pour les biens et services (+50 milliards) et les investissements publics (+54 milliards), le déficit budgétaire est projeté à 303,9 milliards de FCFA. Le gouvernement mise sur un mélange d’emprunts et d’autres sources de financement pour couvrir un besoin estimé à 2 326,5 milliards de FCfa.
Les Incertitudes environnementales et économiques…
Au-delà des chiffres, plusieurs incertitudes pourraient entraver la réalisation de ce budget :
1.Climat post-électorale tendu
Le climat politique risque d’affecter la stabilité économique du pays. Les tensions post-électorales peuvent engendrer des manifestations et des désordres qui nuiront à l’investissement et à la confiance des acteurs économiques. Dans un contexte où le marché est déjà instable, cette atmosphère pourrait aggraver la situation budgétaire.
2.Défis de la politique d’import-substitution
Malgré les ambitions affichées, la politique d’import-substitution a été entravée par des coûts de production locaux prohibitifs. La dépendance à des intrants extérieurs, dont les prix sont volatils, fragilise la capacité des producteurs à faire face à la concurrence et limite la rentabilité des initiatives locales.
3.Agriculture et sécurité alimentaire malmenées
Le secteur agricole, qui constitue un pilier de l’économie camerounaise, est gravement affecté par des problèmes d’acquisition de semences de bonne qualité et des aléas climatiques. L’agriculture pluviale, dominée par des pratiques traditionnelles peu rémunératrices, risque de produire des récoltes incertaines. En conséquence, la capacité de l’économie à générer des recettes fiscales via ce secteur est en péril.
4.Incertitudes fiscales et villes mortes
Les obstacles à la collecte des recettes fiscales sont accentués par ce phénomène des « villes mortes » né de la crise post-électorale.
Ce phénomène, qui engendre la stagnation économique dans certaines zones urbaines, aggrave l’incertitude sur les revenus qui devraient alimenter le budget national. Si la dynamique de croissance économique ne s’améliore pas, les attentes fiscales resteront lettres mortes.
5.Perturbation des échanges transfrontaliers
Les interactions commerciales sont également compromises par les grèves des camionneurs qui refusent de prendre des risques avec leurs véhicules. Ces débrayages réduisent les échanges transfrontaliers, affectant ainsi les flux commerciaux essentiels à l’économie, notamment en matière de collecte de droits douaniers.
Difficultés quant au bouclage de l’année budgétaire 2025…
Face à ces multiples incertitudes, il sera difficile de boucler le budget 2025 du Cameroun. Si le gouvernement a affiché des ambitions claires à travers les ajustements budgétaires, la mise en œuvre de ces plans se heurte à des défis fondamentaux qui pourraient compromettre la stabilité financière à long terme. Pour garantir une gestion efficace des ressources, des réformes structurelles plus profondes et une gouvernance transparente et inclusive seront essentielles. Le succès de ces initiatives sera crucial pour restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs dans l’économie camerounaise. Sans une réponse résolue aux problèmes soulevés, le chemin vers un avenir économique stable apparaît semé d’embûches.
