Voyage au cœur du capharnaüm
Visiblement Samuel Eto’o aura remporté la première partie du bras de fer qui l’oppose au ministre des sports. À l’issue du corps à corps Fecafoot/Minsep, Garoua remporte finalement le duel.
Un triomphe sans gloire. Dans une correspondance datant du 4 septembre, le Sgpr ordonne au Minfi le déblocage de plus d’un milliard au profit du Minsep, pour la gestion de la double confrontation Cameroun/Namibie et Cameroun/Zimbabwe. La gestion financière de l’équipe nationale est ainsi retirée à la Fecafoot. Sur « Hautes instructions ».
Voyage au cœur du capharnaüm dans lequel est plongé régime de Yaoundé.
Par Thomas Tankou_____________
Dans son traditionnel message à la jeunesse camerounaise le 10 février dernier, Paul Biya s’est montré particulièrement courroucé. Du fait de l’élimination précoce de l’équipe nationale du Cameroun à la Can ivoirienne.
« Comme moi, vous aurez été particulièrement déçu par l’élimination précoce de nos Lions indomptables, lors de la coupe d’Afrique des nations qui se déroule actuellement en Côte d’Ivoire. » Ainsi s’exprimait le Chef de l’État à la veille de la 58ème fête de la jeunesse. Et de poursuivre : « …je sais l’importance que vous accordez au football. l’État dans ce contexte difficile qui est la nôtre, consent de lourds sacrifices financiers à cet égard.
Il est donc en droit d’exiger une meilleure organisation et de meilleurs résultats. Nous allons veiller, le gouvernement et tout particulièrement le ministère en charge des sports ont reçu des instructions claires à sur ce sujet. » A-t-il conclu, le visage serré.
Nombreux sont ceux des Camerounais qui avaient vu en cette sortie du premier sportif une manière claire de confier la gestion du football camerounais au ministre des sports. Les proches de ce dernier ont même annoncé l’arrestation imminente de Samuel Eto’o Fils, après sa destitution par la Confédération africaine de football, relativement à une affaire de match truqué et une collision avec une société de pari sportif.
Mais le « Ngambè » s’en est sorti avec juste une amende pécuniaire. Ses avocats ont d’ailleurs interjeté appel du jugement.
Abus de fonctions et traffic d’influence…
« Hautes instructions/très hautes instructions ; Haut accord/très haut accord ; Hautes diligences/très hautes diligences…
Ce transfert de compétences de la part du chef de l’exécutif, qui a cours au Cameroun depuis l’époque d’Ahmadou Ahidjo, a été galvaudé ces derniers temps par des proches du président de la République. Au point que, même le président de la Fecafoot évoque lui aussi des « Hautes instructions » à lui confiées par le président de la République. Les Camerounais ne prennent plus au sérieux les « hautes instructions ». Même les directives du gouvernement envoyées pour publication dans les médias à capitaux publics sont sujettes à caution.
L’intervention du Premier Ministre Chef du gouvernement qui a mis un terme au triste spectacle offert par la Fecafoot et le Minsep au monde entier, amène les supporters de la Fecafoot dans ce duel à conclure ce qui suit :
-La position du Minsep n’était pas celle de l’État comme ils ont voulu faire croire ;
-Onies a menti sur la disponibilité du stade de Garoua, pour le compte du Minsep ;
-La Crtv – média de service public – a menti et a prouvé que ses journalistes avaient pris fait et cause pour le Minsep ;
-C’est le Chef de l’État qui est finalement intervenu pour que la rencontre se déroule à Garoua ;
-Le gouvernement réaffirme tout son soutien à la Fecafoot ;
-Le staff de la Fecafoot est effectivement celui reconnu par l’État ;
-La liste du staff publiée par Cameroon Tribune était effectivement celle des instructions du Chef de l’État ;
-La volonté d’un ministre n’est pas toujours la position de l’État ;
-Le Chef de l’État reste légaliste.
Dans le camp du ministre des sports, on relativise la décision prise par le Premier Ministre Chef du gouvernement. « Loin du triomphalisme de certains laudateurs qui gravitent autour du président de la Fecafoot, le Chef du gouvernement a pris cette décision pour parer au plus urgent : apaiser les tensions pour que les Lions indomptables livrent dans la quiétude leurs deux prochaines rencontres. Après quoi on va remettre sur la table les problèmes de fond. » Nous a confié une source proche du Ministère des sports.
La face cachée de l’iceberg…
Dans le corps à corps Minsep/Fecafoot, la ville de Garoua a remporté la partie. Mais ne perdons pas de vue que ça fait plus de quatre mois que ça dure.
Au-delà du spectacle que va nous offrir 22 acteurs qui courent après une boule en peau de vache contenant de l’air, samedi prochain, des Camerounais lucides s’interrogent.
Des sources généralement bien informées indiquent que le Minfi a procédé au déblocage de la somme de 1 092 545 828 FCFA (un milliard quatre-vingt douze millions cinq cents quarantaine-cins mille huit cent vingt huit). Pour la double confrontation Cameroun/Namibie et Cameroun/Zimbabwe.
Si tant est que le football est devenue une cause nationale, quid des autres grands sujets ?
-Pourquoi Chief John Ngute n’utilise pas la même dextérité qu’on lui connaît pour mettre autour de la table nos frères qui continuent de mourir dans la zone anglophone du Cameroun ?
-Pourquoi le Chef du gouvernement ne saisit pas le parlement pour l’ouverture d’une enquête sur les détournements massifs qui ont cours au Cameroun (Covidgate, Cangate, Glencore, mafia foncière…) ?
L’autorité de l’État dans la gadoue…
Quoi que l’on en dise, « les hautes instructions », ce précieux outil que Paul Biya a toujours su utiliser pour gérer le pays pendant de longues années, a du plomb dans l’aile. La cohésion gouvernementale est en péril. Le Ministre d’État, ministre de la justice a récemment fait une sortie publique pour appeler les magistrats à être plus que jamais indépendants dans la gestion des dossiers, de ne pas céder aux « instructions », d’où qu’elles viennent. Allusion à peine voilà aux ingérences répétées d’un autre ministre d’État.
Les Camerounais ont aperçu Samuel Eto’o à Bangangté en précampagne pour Paul Biya, aux côtés d’un autre membre du gouvernement. Au plus fort de la crise entre le Minsep et la Fecafoot.
D’une manière ou d’une autre, « les hautes instructions » agonisent.
Si le cache-sexe n’est pas encore tombé, il ne tient plus qu’à un fil.
