L’épître de Souop Lucas Kamdem au Pape François
Tous ceux qui désirent comprendre ce qui se passe depuis quelques semaines entre l’évêque de Bafoussam et les rois des peuples bamiléké gagneront à lire ce qui suit jusqu’à la fin, et si possible le livre duquel les deux textes concernés sont extraits. Il s’agit de l’ouvrage de Lucas Kamdem (Souop Soffo Sa’a Meku), dont le titre est LETTRE D’UN AFRICAIN AU PAPE FRANCOIS, ayant pour sous-titre : « Culture et traditions africaines face au christianisme », paru aux Éditions FACOP en octobre 2022.
Le premier texte tient lieu de préface et le second d’introduction dudit livre.
Texte 1 : PRÉFACE
Lettre ouverte au pape François, État du Vatican – Rome (Aux bons soins de Monseigneur Julio MURAT, Nonce Apostolique au Cameroun. Rue du Vatican, Yaoundé). Yaoundé, Cameroun.
Objet : Dérives des prêtres et évêques catholiques en Afrique.
Très Saint Père,
J'ai l'honneur d'attirer votre très haute attention sur les dérives multidimensionnelles de nombreux prêtres et évêques en Afrique, particulièrement au Cameroun.
À ce sujet, les informations détaillées dans les pages qui composent la présente Lettre sont des exemples de ce qui se passe en Afrique. Elles ont été suscitées par mes observations et expériences personnelles d’une part, et par un conflit né en juin 2020 entre Monseigneur Dieudonné Watio, évêque de Bafoussam (aujourd'hui retraité) et le prêtre André Marie Kengne, d’autre part. Celles liées à ce dernier cas illustrent parfaitement l'ampleur desdites dérives. Elles ne peuvent pas laisser votre Sainteté insensible au ''Cri de l'Homme africain'', cet Homme dont je me fais humblement ici le porte-parole.
S’il arrive que votre Sainteté ou les autres lecteurs de ma Lettre viennent à découvrir une erreur ou une affirmation qui ne serait pas fondée ou encore tout autre aspect qui mériterait des corrections, je m’engage à effectuer les modifications qui s’imposeront, dès la première réédition qui suivra. En attendant, je ne manquerai pas de publier un article public, me permettant d’apporter les corrections ou précisions nécessaires, sur de telles questions. Je me tiens par conséquent à la disposition de tous pour faire de cette Lettre un outil utile à l’humanité, sans distinction de race, de sexe ou de religion.
En effet, Très Saint Père, tous les faits et déclarations en question, que j'analyse et commente, en tant que citoyen du monde, notable Bamiléké à la Cour royale de Baham et homme qui s’estime dans une certaine mesure ‘‘libre penseur’’, sont tels que j’ai ardemment désiré voir l'Église catholique, apostolique et romaine agir autrement en Afrique. Il s’agit en particulier d’une nouvelle approche évangélique, présentée dans la troisième partie de ma Lettre. Mon seul et unique but est donc d'essayer de vous conduire vers des pistes de solutions innovantes, de nature à changer radicalement le visage d'une Église qui, aux yeux de nombreux Africains, ressemble plus que jamais à un monstre hideux, refusant par divers moyens de jouer son rôle libérateur en Afrique.
Tout en vous souhaitant une bonne lecture suivie de décisions conséquentes, je vous prie d’agréer, Très Saint Père, l'expression de mon profond respect.
Fait à Baham, le 23 avril 2022
Lucas KAMDEM (Souop Soffo Sa’a Mekù)
Texte 2 : INTRODUCTION
Tous ceux qui ont bien étudié l’histoire des religions connaissent certainement celle de l'Empereur Frédéric II (Roi de Sicile, Duc de Souabe, Roi des Romains, Empereur du Saint-Empire, Roi consort de Jérusalem) qui, le 5 juin 1224, a fondé l’Université de Naples, la plus ancienne université laïque et d'État au monde. Il fut excommunié le 28 septembre 1227 par Grégoire IX, fraîchement élu Pape. Cette excommunication, levée à l'été 1230, a marqué de nombreuses générations de chrétiens et de non chrétiens dans le monde. Grégoire IX appelait en effet Frédéric II « l'Antéchrist », principalement à cause de son penchant pour les sciences, lesquelles contredisaient les enseignements officiels de l’Église de l’époque, sur de nombreux sujets. Malgré sa seconde excommunication de 1237, manifestement jamais levée, il repose dans la cathédrale de Palerme, auprès de ses aïeux normands de Sicile et de sa première épouse, Constance d'Aragon. Celle-ci était âgée de onze ans de plus que lui et les deux s’étaient mariés alors que Frédéric II n’avait que 14 ans !
Savez-vous Très Saint Père (et vous qui lisez cette ‘‘Lettre’’), pourquoi le livre de Frédéric II sur la fauconnerie, ayant pour titre *De arte venandi cum avibus* (De l'art de chasser au moyen des oiseaux), a été mis à l’index par l’Église ? C’était tout simplement parce que, en s'inspirant des sources arabes, d'Aristote, et surtout de ses propres observations et expérimentations, il avait osé corriger toutes les sottises écrites sur la fauconnerie… *De l’art de chasser au moyen des oiseaux* a donc été jugé immoral et contraire à la foi chrétienne, tant et si bien que les catholiques romains n’étaient pas autorisés à le lire.
Est-ce que les deux excommunications de Frédéric II et la mise à l’index de son livre ne seraient pas perçues aujourd’hui comme une stupidité absolue ? Oh que si !
Pourtant ! Et pourtant, c’est bien à de telles condamnations que ressemblent les sanctions de Watio du 15 juin 2020, alors qu’il était encore évêque de Bafoussam, contre son prêtre KENGNE, par décision rendue publique à la radio et sur les réseaux sociaux, en plein 21ème siècle !
Comme cet empereur romain qui accueillait des savants du monde entier à sa Cour, portait un grand intérêt aux mathématiques et aux beaux-arts et se livrait à des expériences scientifiques inconcevables pour une Église alors ennemie de toute forme d’intelligence humaine non tournée vers ‘‘les arrières mondes’’, KENGNE a osé, en Afrique, s’approcher des ‘‘savants traditionnels’’ bamiléké, ce peuple dont le nom viendrait d’une mauvaise prononciation de l’explorateur allemand Gustav Cran de l’expression «Mbameleku», qui veut dire en bali «les gens d’en bas». KENGNE a osé porter un intérêt incompréhensible (d’après son évêque) à la philosophie africaine et aux ‘‘beaux-arts’’ de son peuple, osé s’inspirer de ‘‘ses propres observations et expérimentations’’ pour affirmer la validité, les valeurs et la puissance de la culture et des traditions bamiléké. Pire encore, il a osé une comparaison entre certains aspects de celles-ci et les traditions judéo-chrétiennes, avec des exemples concrets, en reconnaissant clairement dans ces cas la supériorité des premières sur les secondes, au plan philosophique et éthique. En condamnant KENGNE publiquement, Watio n’a pas du tout imaginé combien il s’est ainsi montré en retard par rapport à l’évolution de l’histoire, des sciences et de la vision d’un nouveau monde, très éloigné de celui de l’année 1227. Notre cher évêque a été incapable de changer de paradigme, de devenir un ‘‘Vrai Homme’’, non pas du 13ème siècle, mais du 21ème, puisque engoncé dans un obscurantisme quotidiennement relayé par certains de ses prêtres et fidèles. Le pauvre KENGNE, quant à lui, s’est montré de son côté plus peureux que ses nombreux confrères (même ceux du 13ème siècle), ceux qui, dans l’histoire de l’Église, ont parfois accepté de choisir la justice, l’amour et la vérité, jusqu’au sacrifice suprême, plutôt que de servir le mensonge, plutôt que de devenir des vecteurs de mensonges, des canaux du développement de la misère mentale, économique et spirituelle des humains. Je le qualifie de peureux, car il n’a pas été assez courageux pour faire face à ses convictions de notable bamiléké, comme nous le verrons dans la suite de cette Lettre. Il s’est aussi montré véritablement ridicule aux yeux du monde, en voulant revenir sur des affirmations pourtant fondées sur des faits indiscutables et indubitables, du moins pour tout notable bamiléké digne de ce nom, ou même pour tout observateur neutre qui saurait ‘‘regarder en voyant’’.
À ce propos, WATIO comme KENGNE ont, à l’occasion de ce triste épisode de l’histoire de l'Église catholique en Afrique, prouvé qu’ils ne connaissaient pas ce continent, et surtout pas le pays Bamiléké : ils regardent sans voir !
Au regard des multiples simplifications outrageantes observées tout au long de ce que j’appellerais leurs échanges par vidéo et audio interposés, les deux ont prouvé qu’il leur manquait les qualités propres aux penseurs rigoureux. Ils ont confirmé ce que j’ai dit à des amis le lendemain de la condamnation de KENGNE : <<la denrée la plus rare est la vérité, chaque fois que les prêtres et les évêques bamiléké parlent de la culture ou des traditions de ce peuple>>. Nombreux parmi eux partagent de fait les manquements des deux cités ici. Eux également regardent sans voir. C’est d’ailleurs à partir de cette occasion regrettable, créée par Watio et son prêtre, que j’ai moi-même ouvert davantage mes yeux et mes oreilles pendant plus d’un an, et que j’ai mieux compris la petite histoire d’une leçon donnée par un sage africain, feu Élie Ghomsi, à un groupe de jeunes bamiléké, en 1972. J’ai pris connaissance de cette leçon, très courte mais très profonde, que je relate ci-après, au cours d’une session de formation en entrepreneuriat, organisée par le FACOP (Future Africa Coaching Program) à Baham au Cameroun, en novembre 2016. Les participants et moi-même - en tant qu’animateur principal du séminaire - avions bénéficié à ce sujet du témoignage d’un notable, Monsieur Marcel Toukam (Bù Toukam), l’un de mes mentors depuis mon enfance, au sujet de la fameuse leçon de papa Ghomsi. À cette occasion donc, il nous avait édifié sur l’importance de la vérité des faits et sur l’importance de la vision, et nous avait profondément marqué, en citant son propre père qui, un jour de 1972, avait demandé en langue Ghomala à un petit groupe de jeunes gens (dont Toukam lui-même) s’ils voyaient vraiment lorsqu‘ils regardaient. On peut traduire approximativement sa question par : « Voyez-vous vraiment ce que vous regardez ? »
Question éminemment philosophique pouvant également être traduite par : « Ce que vous voyez est-il vraiment ce qui est ? »
Évidemment, ce vieux sage voulait leur montrer que s’ils n’avaient pas la capacité de voir la vérité cachée derrière les faits et évènements de la vie, et s’ils n’avaient pas non plus la vision et l’intelligence nécessaires pour tirer profit de ces faits et évènements, c’est qu’ils regardaient la vie tels des myopes, et ne pouvaient donc pas être de ‘‘Vrais Hommes’’, de grands réalisateurs disposant des talents que seuls possèdent les leaders visionnaires.
Comme je vais le démontrer dans ma Lettre, WATIO et KENGNE ont manifesté en 2020 leur ignorance des réalités de l’Afrique, particulièrement celles du pays bamiléké, qu’ils croyaient à tort connaître. Revêtus ‘‘du masque blanc de la normalité’’ tel que décrit par Lilian Thuram dans son livre *La Pensée Blanche,* ils ont donné leurs opinions sur les fondements de la philosophie, de la culture et des traditions bamiléké, en brandissant le spectre de la vérité, qu’ils regardent avec des yeux ou des lunettes des peuples occidentaux judéo-chrétiens du moyen âge ou de l’antiquité, en tentant de lui faire dire ce qui pourrait confirmer leur vision du monde, un monde qui ‘‘infériorise les Noirs’’. Ils « regardent sans voir et écoutent sans comprendre ». Tels des étrangers, eux-aussi semblent plus focalisés sur les aspects folkloriques (comme le dit KENGNE lui-même sans réaliser qu’il est vraiment concerné). Ils connaissent certainement assez peu la pensée des Bamiléké, n’ayant eu aucune formation appropriée là où il fallait. Leur cursus scolaire et universitaire a fait en sorte qu’ils soient plus des Français à la peau noire que des Africains.
Malheureusement pour eux, ils ont beau faire barrage à la vérité qui entoure cette philosophie, cette culture et ces traditions multimillénaires des Bamiléké du Cameroun, ils finiront par constater que plusieurs siècles d’humiliation, de chosification et de manipulation de toutes sortes n’ont pas permis à leurs semblables de dompter ce peuple profondément amoureux de la vérité et de la liberté désignée ici par le terme ‘‘lepièh’’.
Mon initiation au sein des ‘‘sociétés secrètes’’ de Baham m’a permis de trouver dans les récits de mes formateurs des éléments d’une philosophie très riche et très complexe, qui témoignent d’un regard profond sur la nature du monde et de l’être humain. Je sais qu’il en est de même dans plusieurs autres pays africains.
À propos de la vérité des faits, on a là un exemple éblouissant de ce que m’a dit Sergio Laubary, l’un de mes coachs, dans une correspondance du 7 juillet 2021 : « Les torrents des faits sont indomptables ; difficile de prédire où ils vont se former ; l’homme doit avoir un regard vif s’il veut les saisir. ». Sans aucun doute, ils sont très nombreux, les prêtres et les évêques qui, en Afrique, n’ont pas ‘‘un regard vif’’ pour saisir à sa juste valeur la signification des faits sociaux et religieux de ce continent. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter leurs homélies et d’observer leurs agissements. Ils en sont encore au niveau de l’intolérance face à la recherche de la vérité, même scientifique.
Les trois parties de cette lettre me permettront d’expliciter, preuves à l’appui, pourquoi il m’était impossible de me taire face aux *multiples provocations* de certaines autorités de l’Église catholique et d’autres églises, sectes et associations chrétiennes diverseimpérieux devoir, celui de défendre mes valeureux ancêtres hier et mes contemporvicains, notamment en laissant un témoignage/héritage écrit dont ils pourraient être éternellement fiers. Ce qui rend particulièrement difficile le travail de rétablissement de la vérité, c’est l’usage des mots et des notions, sans possibilité de retour aux sources pour avoir la signification exacte de tel ou tel mot, de telle ou telle croyance. Les erreurs manifestes d’interprétation ou de traduction des langues africaines, au contact des Occidentaux, et particulièrement des ‘‘missionnaires’’, ont conduit à des divergences profondes de perception entre les différentes personnes supposées détenir certaines vérités. Mais, je vais faire de mon mieux !
La première partie ayant pour titre « Un prêtre catholique membre de 4 sociétés secrètes Bamiléké » sera consacrée à l’analyse de la vidéo de l’Abbé Kengne, source de ses malheurs face à son évêque, ainsi que de l’interview radiodiffusé dans lequel il a tenté de corriger ses déclarations. La seconde partie : « l'Église catholique ne se trompe-t-elle pas de combat en Afrique ? » portera essentiellement sur l’audio par lequel KENGNE a été condamné, en rapport avec son interview et certaines de ses précédentes déclarations. Enfin, la troisième partie « Pour une nouvelle évangélisation plus respectueuse de la différence entre les peuples » présentera des pistes de réponses aux églises évoluant en Afrique, celles qui pourront être élaborées et mises en pratique consciencieusement, afin de contribuer effectivement au changement des mentalités, à la recherche du bien-être de tous sur la planète Terre, à la culture de la paix et du respect mutuel dans les rapports entre les chrétiens et un peuple, le peuple bamiléké, pris comme exemple, foncièrement jaloux vous CV de sa liberté, de sa culture et de ses traditions. [... ]
Lucas KAMDEM
(*) Le surtitre, le chapô et le titre sont de la rédaction