Par Thomas Tankou______________
Quand on parle généralement de fraude électorale au Cameroun, le citoyen lambda a directetement à l’esprit le bourrage des urnes. Cette pratique-mère est moyennageuse, sauvage et bon marché, à la portée du premier quidam.
En 1997, j’ai personnellement assisté, médusé, à une scène irréaliste à Bamendjou, commune située dans les Hauts-plateaux de l’Ouest camerounais.
Accrédité au moment des faits comme observateur par une Organisation de la société civile basée à Douala, où j’étais employé comme plumitif dans un organe de presse, j’ai emprunté un car de transport en commun la veille pour ne pas tomber sur l’interdiction de voyager qui devait entrer en vigueur dès l’aube du jour de vote. Le voyage s’est déroulé dans de bonnes conditions et j’y suis arrivé dans un froid glacial au petit matin. Après avoir pris un petit déjeuner à l’unique boulangerie jouxtant la gare routière de « Ndang », je me suis présenté dès sept heures au bureau de vote installée dans un foyer délabrée construit en briques de terre juste derrière le bâtiment abritant les services du sous-préfet de céans. Mon badge d’accréditation bien pendant au cou, c’est dans cette posture que j’ai rendu une visite de courtoisie au sous-préfet de l’époque, dont la résidence était située juste en face. Un certain Mbu Peter, de culture anglophone. L’élite locale l’accusait d’être de connivence avec le Social Democratic Front (Sdf), qui avait le vent en poupe à cette époque où le slogan à la mode était : « power to the people and equal opportunity to all ». Il avait beau clamer son innocence, mais les bulletins de renseignements quotidiens qui descendaient chaque jour à Yaoundé ne plaidaient pas en sa faveur. Bien au contraire !
Jeune journaliste impertinent, je n’ai pas manqué l’occasion de titiller un peu le chef de terre à ce sujet.
Très tôt le matin, le dispositif est planté et les membres de la commission locale de supervision bien en place, grelottant de froid. Les premiers électeurs commencent à accomplir leur devoir de vote dès 8 heures. Une source généralement bien introduite à qui j’ai offert une tasse de café bien chaud à ma descente du car, m’avait filé une information invraisemblable, que je l’emploi à vérifier. En jetant un regard oblique a travers les bambous servant de grilles à la fenêtre du foyer, je fais une surprenante découverte. Une banale caisse faite de bois blanc, identique à celle qui était déjà disposée sur la table dans la salle et qui, déjà servait d’urne, est visible dans un angle du plafond en bambou de raphia, presque en lambeaux. Je me rendu compte au fur et à mesure des évènements, que mon informateur devait être l’un des acteurs qui aurait mis en place ce scenario savamment enchevêtrées. Au regard de la précision chirurgicale des infos qu’il m’avait soufflées ce matin là. Mais qu’importe ? Je n’avait pas parcouru près de 400 kilomètres pour venir dans le village de Fo’o Sokoudjou enquêter à l’effet de savoir si mon informateur était complice ou comparse de cette forfaiture.
Toujours est-il qu’à la pause, alors que les membres de la commission locale ainsi que les scrutateurs, dont ceux du Sdf s’agglutinent autour du casse-croûtes. Ce léger déjeuner était apporté par une élite Rdpc dans la malle arrière de son véhicule de marque Toyota-Pajero. C’est à ce moment précis que le tour était joué.
Comme dans une séance de prestidigitation, la caisse qui était au grenier s’est retrouvée sur la table dans la salle et vis-versa. Un cas parmi tant d’autres. Pas assez suffisant pour renverser la vapeur.
Ces manœuvres frauduleuses n’ont en rien affecté le raz-de-marré du Sdf à l’Ouest. Le parti de la balance avait à l’époque rafflé l’essentiel des sièges dans les communes et au parlement camerounais. Grâce à une mobilisation tous azimuts de la part d’un peuple désabusé par, le clientélisme le favoritisme et le népotisme orchestrés par un régime qui avait pourtant promis bien-être et prospérité aux Camerounais en novembre 1982.
Corruption par l’achat des bulletins de vote…
Cette pratique qui consiste à récupérer les bulletins de vote de l’adversaire contre espèces sonnantes et trébuchantes, est généralement mise en musique par des hommes d’affaires véreux et quelques carriéristes qui font de la propagande du parti au pouvoir leurs fonds de commerce. Au cours des récentes consultations électorales, cette pratique a beaucoup prospéré dans le département du Koung-khi.
En général, des corrupteurs proposent des sommes d’argent aux électeurs, en contrepartie d’une somme d’argent que ces derniers récupèrent en remettant en retour les bulletins de vote de l’adversaire. Cette pratique est à la fois réprimée par le code électoral en son article 92 alinéa 1 et le code pénal (article 122 et 123).
Seule la mise sur pied d’un comité de veille électorale peut permettre aux partis politiques de l’opposition de dissuader ceux qui expérimentent ces pratiques. Surtout, recourir aux services d’un huissier pour constater un éventuel flagrant délit aux fins de porter plainte pour corruption. Tout corrupteur ou corrompu dont l’acte est constaté par un huissier ou sur la base de témoignages fiables est passible d’une condamnation conformément aux dispositions citées ci-dessus.