Quand le président s’éveillera
La mauvaise passe que traverse le président Paul Biya depuis quelques semaines peut-elle être une chance unique pour lui-même et pour le Cameroun ? Prenons-nous à rêver. Après tout, ça ne mange pas de pain.
(*) Par Jean Bruno Tagne
Une chance pour lui parce que la nature lui donne la possibilité ultime – au cas où il plaise à Dieu il venait à se rétablir – de faire ce qu’il aurait dû il y a 5, 10 ou 15 ans en arrière : quitter le pouvoir pour dignement le céder à quelqu’un d’autre.
Encouragé par une horde de courtisans et de profiteurs, il s’est piteusement accroché au pouvoir. Et les mêmes, malgré le poids des ans et la situation dans laquelle il se trouve, continuent d’appeler à une nouvelle candidature de sa part en 2025. Or chaque jour de plus à la tête du pays dont il a perdu la direction depuis longtemps, le Cameroun étant en pilotage automatique, est un pas de géant vers la poubelle de l’histoire. Chacun a droit à une seconde chance ; il a la sienne. Qu’il la saisisse.
Une chance pour le Cameroun parce que le pays peut – après la parenthèse peu glorieuse des 42 derrières années – amorcer sa reconstruction sur des bases saines en mettant l’homme, la justice et l’éthique au cœur des préoccupations.
Le plus grand danger qui guette le Cameroun de l’après Biya est qu’il retombe entre les mains de la même engeance d’incompétents et de jouisseurs qui l’ont détruit. Ce serait la catastrophe.
On peut tout reprocher au président Biya, mais on doit à la vérité de lui reconnaître au moins un certain sens de la mesure et une forme de sobriété que n’ont pas certains de ses proches. Ils sont d’une gloutonnerie gargantuesque. Ils accumulent des biens comme des pirates. Rien ne leur échappe. Ils sont insatiables. Certains ministres ou directeurs généraux à eux seuls peuvent accumuler 10, 20 à 30 titres fonciers spoliés dans les quartiers chics de Yaoundé et de Douala. Ils alignent des villas dignes des contes de Mille et une nuits, quand ce ne sont pas des voitures luxueuses sous bâche qui encombrent leurs parkings. Ils n’ont pas de limite. Et ils feraient n’importe quoi pour prolonger la razzia. Avec la bénédiction, hélas ! de Paul Biya, plus préoccuper, tout son règne durant, par son maintien au pouvoir que par toute autre considération.
Quand le président s’éveillera, qu’il n’oublie pas que sa cour et tous ceux qui lui fantasment une présidence perpétuelle n’ont pas plus de considération sincère pour lui que pour le Cameroun. Ils ne pensent qu’à eux. Qu’il se souvienne de ces écrits de Cardinal Mazarin dans son Bréviaire des politiciens : « Quand on t’adresse de grands éloges, convaincs-toi qu’on se gausse de toi. »
(*) Journaliste,
Dga Naja Tv