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Félix Roland Moumie, figure du nationalisme camerounais

3 novembre 1960 – 3 novembre 2024 : 64 ans après son assassinat à Genève en Suisse, Félix Roland Moumié demeure dans la mémoire de ses compatriotes.

(*) Par Jean Koufan Menkene

Le 3 novembre 1960, Félix Moumié président de l’UPC décédait assassiné à Genève en suisse. Sa mort à 35 ans mettait fin à une activité militante intense et tumultueuse en faveur de l’indépendance et de la réunification du Cameroun.

Qui était Félix Moumié?

Médecin Africain à une époque où il en manquait cruellement, playboy de la politique, tribun incendiaire un brin mégalomane, membre de l’Internationale révolutionnaire, très introduit dans les milieux tiers-mondiste, Félix Moumié n’est assurément pas un personnage banal tant il était honni du colonialisme français et donnait des insomnies à Ahidjo.

Moumié était un homme bref d’environ 1,68 m, vif et volontaire, qui était un dévoreur de journaux et un lecteur assidu des auteurs marxistes. Sémillant et snob, sobre ou extravagant, selon les opinions, il avait un penchant prononcé pour les belles créatures ; il épousa d’ailleurs deux femmes, eut trois enfants. Issu du clan bamoun des Njimeffiré, il était né le 1er novembre 1925 à l’hôpital de Njissé dans la banlieue de Foumban, des œuvres de Samuel Mekou Moumié (1906-1993) évangéliste à la mission protestante et de Suzanne Mvuh. Félix Moumié fut élevé à la dure, conformément à la tradition calviniste.

De 1935 à 1938, il fréquente à l’école protestante de Njissé. En 1939, il s’inscrit au CMI à l’Ecole publique de Bafoussam et l’année suivante, au CMII à l’école régionale de Dschang, où il obtient facilement le certificat d’Etudes Primaires. En 1941, il est admis au concours d’entrée à l’Ecole Supérieure Edouard Renard de Brazzaville. Classé parmi les meilleurs élèves de sa génération, il est autorisé à poursuivre des études de médecine à l’école professionnelle William Ponty à Dakar, en 1945. A son retour au Cameroun en 1947, il entame une carrière professionnelle qui ne dure que 8 années. Il est affecté successivement à Lolodorf, (1947-1948), Bétaré-Oya (1950), Mora, (1951), Maroua (1952) et Douala (1954). Dans tous ces lieux d’affectation, ceux qui l’ont connu ont gardé de lui l’image du chirurgien dévoué, consciencieux, compétent et généreux.

Moumié était un esprit impulsif et cyclothymique. Tantôt amical et enjoué, Tantôt emporté et virulent, il dégageait en tout cas une énergie positive, une sympathie naturelle.

Marqué par le rigorisme calviniste, il en avait gardé le penchant viscéral pour la justice et la vérité et un esprit de contestation. Au cours moyen deuxième année, frustré d’une note en mathématique par son maître, Moumié eut l’outrecuidance de porter l’affaire devant le directeur de l’école régionale qui lui donna raison. A Dschang en décembre 1950, il protesta contre les mauvais traitements que l’institutrice européenne, Mme Galiazzi infligeait aux élèves. Cette contestation allait s’étendre à l’exploitation de l’Afrique et à la mauvaise application des Accords de Tutelle.

Son attachement quasiment inné à des principes explique son engagement politique précoce. En 1946, à Dakar, Moumié se distingue de ses autres camarades par son engagement fougueux dans la contestation estudiantine. Il est de toutes les grèves. Il ne dédaigne pas de coller des affiches ou de distribuer nuitamment des tracts. Son professeur, Gabriel Darbousier, qui l’a remarqué et adopté l’a orienté vers les cercles d’études marxistes de la capitale de l’AOF. C’est lui qui le recommande à Um Nyobè en 1948.

Um et Moumié se rencontrent à Kribi en 1948, peu après la création de l’UPC. Marthe Moumié raconte les circonstances de cette rencontre qui allait marquer l’histoire de la décolonisation du Cameroun :

Un jour de l’année 1948, Ruben Um Nyobé, un autre grand leader nationaliste, fondateur de l’UPC rendit visite à Moumié. (…) Il revenait de la conférence du RDA de Bamako (…). Il était porteur d’une lettre de recommandation de monsieur Darbousier, ancien professeur du docteur Moumié à l’école normale fédérale de l’AOF William Ponty implantée à Dakar. (…) Um avait été chargé de chercher ce jeune médecin plein d’avenir et déjà empli de ferveur nationaliste, que certains conférenciers avaient connu à Dakar alors qu’il était encore étudiant à William Ponty ; (…) Um Nyobé s’était mis à à parler du mouvement de libération nationale nouvellement créé : l’UPC. Les deux hommes ont parlé pendant des heures en abordant tous les sujets de préoccupation, pour s’entendre rapidement sur tous les points. Convaincu, le docteur adhéra de fait à l’UPC en souscrivant pour deux militants : lui-même et moi (…).

Dès lors, le néophyte déploie un activisme fébrile dans la création des structures de base de l’UPC partout où il passe, au gré des affectations. Il implante l’U.P.C, le syndicalisme et le football dans les localités d’Ebolowa, Sangmélima, Kribi, Lobo, Ndoulibi, Nlob, etc.

À Betaré-Oya où il est sous occupé à l’hôpital, il convertit de nombreux Baya à la cause nationaliste. Le paradoxe de Moumié est qu’il n’est pas prophète dans son propre terroir, le pays Bamoun. Candidat contre le roi des Bamoun aux élections à l’ATCAM en 1952, Moumié fit campagne sur le thème de la résolution des problèmes fonciers, l’encouragement des cultures de rente, la revitalisation de l’art bamoun. Il est battu à plate couture.

Au Nord Cameroun où il affecté disciplinairement, dans le but de brider sa fougue militante, Moumié ne baisse pas les bras. Aidés par la légion du sud, commerçants et fonctionnaires originaires du Sud Cameroun affectés dans la région (Jean-Paul Sendé, Toubé Ekwalla, Isaac Tchoumba Ngouankeu, Singap Martin, et d’une poignée de l’élite avant-gardiste locale influencée par l’idéologie mahdiste (Mohammadou Fokou, Mahmoudou Issa, Issa Mamoudou, Hadji Mal Bakary, Abdoul Baghi, Bello Bourdanné), il entreprend de contaminer cette partie du Cameroun le virus nationaliste et anticolonialiste.

Un ambitieux programme qu’il s’efforça de mener à bien au moyen d’un travail de conscientisation et d’apprivoisement digne d’éloges. En 1954, l’U.P.C était implantée dans une vingtaine de localités du Nord et guidait l’opinion d’un demi-millier de personnes. Il avait la dent dure contre les Lamibé, autocrates réactionnaires et collaborationnistes, lui valurent beaucoup d’inimitiés et de gros ennuis parmi ceux-ci. Le lamido Yaya Dahirou attenta à sa vie.

Moumié est l’objet d’une surveillance constante, ses faits et gestes sont épiés au quotidien.

 » J’ai pu m’apercevoir, ironise t-il, que les services de sûreté attachent beaucoup de prix à ma personne ». Dans son autobiographie, le barbouze Guy Georgy, prototype de l’administrateur colonial français, condescendant, hautain, anti-nègre évolué, qui dirigeait la région du Diamaré avoue qu’il s’appliquait à contrer systématiquement et sournoisement l’action de Moumié par des mesures de basse police : viol de correspondance, perquisitions illégales et surveillance à la jumelle de son domicile et tentatives de corruption.

Quand l’administration Française décide d’intimider les leaders upécistes, Moumié est sa principale tête de turc. Il élève une multitude de protestations, de télégrammes pour dénoncer l’intimidation dont il est l’objet. Il dénonce l’interpellation de Ouandié par le commissaire de police Boutellier, la tentative d’arrestation de Um Nyobé dès son retour des Nations Unies le 5 mars 1955, juste après la résurrection de l’affaire Gelis-Um.

La stratégie du nouveau haut-commissaire Roland Pré, nommé en 1954, qui consiste à regrouper à Douala, les ténors du partI, pour mieux les surveiller, le ramène à Douala. Pour une fois concentré dans la cité portuaire, le comité directeur de l’UPC est au complet à la fin 1954.

Toujours sur la brèche, jamais à cours d’imagination pour élargir l’audience de son parti, il initie l’école des cadres de l’U.P.C pour donner un plus grand confort idéologique aux militants nationalistes. Malheureusement celle-ci ne fonctionne que pendant un trimestre et ne forme qu’une seule promotion de « cadres » qui n’ont d’ailleurs pas le temps de faire leurs preuves. Douala bouillonne de révoltes. C’est une poudrière prête à exploser dès l’instant où le comité directeur du parti a décidé de « répondre du tic au tac » aux provocations colonialistes. Le 22 avril 1955, Moumié et ses lieutenants émettent « la proclamation commune ».

Ce jour là, alors que Pré inaugure le pont sur le Wouri, une altercation oppose des militants upécistes, nerveux à des nervis stipendiés par la police. Une provocation dans laquelle Moumié tombe et qui est le prétexte du déclenchement de la liquidation de l’UPC du paysage politique. Son siège est saccagé, ses militants arrêtés, persécutés, ses principaux dirigeants pourchassés s’enfuient au Cameroun méridional britannique. Le décret du 13 juillet 1955 met définitivement hors jeu l’U.P.C et ses organes annexes.

Le chantre de la Réunification

Réfugié dans la clandestinité, gardant le moral intact, Moumié continue à dénoncer ce qu’il qualifie de manœuvres colonialistes visant à éliminer l’UPC du champ politique et des élections de 1956 en particulier. Infatigablement il continue le travail d’organisation entamé sept ans plus tôt par Um. Il parcourt les localités de Victoria (Limbé) à la mi-juin 1955, Kumba en juillet, Bamenda en août 1955. Il donne de la voix pour galvaniser les militants déboussolés par la répression qui s’est abattue sur eux : « Je faillirai à mon devoir de militant […] si je devais rester longtemps sans vous adresser mon message de fidélité » , lance t-il à ses partisans de l’autre côté de la frontière. En un an, sous sa houlette l’U.P.C étend son influence en zone anglaise : 21 comités centraux y sont recensés en 1956. Il est à l’origine de l’initiative du « Front Uni pour la Réunification », une coalition patriotique qui comprend l’UPC, le Kamerun National Democratic Party (Kndp) et le Kamerun United Commoners’ Party, une alliance éphémère.

Le militant anticolonialiste

L’anticolonialisme radical de Moumié avait fait dire à certains qu’il était anti-Français. Lui-même s’en défendait en affirmant :  » Je ne suis qu’un prolétaire […] Ce sont les Français qui m’ont remarqué, qui m’ont appris à lire, à écrire et à compter. Ce sont eux qui m’ont enseigné ce que je suis. Sans eux, je n’aurais été qu’un palefrenier du Sultan de Foumban. Mais pourquoi ces mêmes Français me refusent-ils l’indépendance quand je la leur réclame au nom de leurs propres principes « .

Moumié reconnaissait ainsi le rôle indéniable de la France dans le développement et l’instruction des Camerounais; mais s’interrogeait sur l’absurdité du non respect des accords de tutelle.

Que Félix Moumié se soit attribué le second prénom de « Roland », héros qui se sacrifia pour sa patrie, était symptomatique des pulsions qui l’animaient. Il avait développé le complexe de Saint-Just. Il était habité par un souffle messianique, rêvait de gloire, aspirait à laisser son nom dans l’histoire de son pays et à devenir inoubliable par son peuple. Le colon G. Georgy lui avait prédit la fin fatale des héros.

Moumié se croyait investi d’une mission providentielle, comme en témoignent ses références à l’épopée du général français. Tel de Gaulle à Londres, il croit à la possibilité de relancer l’action nationaliste à partir du Cameroun occidental.

Les colonialistes aux abois ont fait courir le bruit que notre tentative avait échoué, nous avons du prendre la fuite. Nous voulons bien écouter cette version tout en demandant aux Français d’accepter que le général de Gaulle, en rejoignant Londres, avait accompli le même geste, c’est-à-dire qu’ayant échoué dans sa tentative de résister aux Allemands, il avait rejoint Londres pour accomplir son devoir de Français soucieux de l’intérêt de sa patrie, il faudrait que les « Kolos » admettent par voie de conséquence que nous avons rejoint l’étranger par souci de fuir les représailles d’une injustice indigne, mais par préoccupation d’accomplir notre devoir de Camerounais.

Il s’investit dans la campagne électorale de 1957 pour faire triompher les partis membres du Front-Uni (UPC-Kucp-Kvdp), favorables à la réunification. L’échec de cette stratégie signifiait la fin du projet réunificationniste de l’UPC. En effet, l’électorat avait été effrayé par une campagne des partis adverses (KPP et KNC) hostiles à la réunification. L’aménité de Moumié devant cet échec l’amena à critiquer sévèrement des élections « dirigées ». La mise en cause par Moumié des autorités coloniales anglaises, et du gouvernement Endeley qui le fit accuser d’irresponsabilité et provoquer des dissensions parmi les habitants du southern Cameroons, au détriment de leur bien-être. Cette accusation fut à l’origine de l’interdiction de l’UPC au Cameroun britannique et à l’exil au Soudan de ses dirigeants dont Moumié lui-même. La jeune république soudanaise qui venait d’accéder à la souveraineté internationale s’était déclarée disponible pour accueillir des patriotes africains persécutés par le colonialisme.

De Khartoum, Moumié tente de tisser des alliances internationales pour soutenir la lutte de libération nationale du peuple camerounais. Il voyage beaucoup, s’introduit dans les fora tiers-mondistes (Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (FMJD), le congrès des peuples africains, l’ONU…). En 1958, le président égyptien Gamal Nasser qui a succombé à la rhétorique anticolonialiste de Moumié lui offre l’asile au Caire. Nationaliste intransigeant, le Raïs égyptien, en butte à l’agression franco-britannique, avait épousé la cause du nationalisme africain qu’il décida de soutenir de toutes ses forces. Moumié s’installa au centre du Caire, sur les bords du Nil. Il bénéficia d’une allocation mensuelle et d’une tranche d’émission hebdomadaire à Radio Le Caire. L’aide précieuse de Nasser lui ouvrit aussi bien les portes des rencontres Afro-asiatiques que les frontières des pays du camp socialiste. De ces ouvertures, Moumié décroche plusieurs centaines de bourses d’études pour les jeunes camerounais dans les pays communistes.

Seul contre tous : le prophète esseulé

Au cours de la période 1957-1959, Moumié est confronté à une adversité sans pareil. Lâché par Foncha et les chefs coutumiers, il doit aussi faire face à la dissidence de certains de ses camarades du Comité Directeur demeurés au pays: Pierre Penda, Timothée Maah, Réné-Job Ngapeth, Mathieu Tagny, Tchoungui, Timothée Maah, Pierre Penda et Hyacinthe Mpaye, jaloux de son auréole internationale, court-circuitent ses initiatives en lançant le manifeste pour le salut des Forces Nationalistes Kamerunaises. Moumié se braque et créé l’Armée de Libération Nationale Kamerunaise (Alnk) le 31 mai 1959.

De même, lassés de lui prêcher le compromis pacifique pour résoudre la crise camerounaise, des leaders progressistes, Paul Soppo Priso, Jean Ekwabi et Marcel Bebey Eyidi, l’abandonnent. De partout fusent des critiques.

Le diplomate

Commis-voyageur infatigable de son mouvement, aperçu tantôt à Moscou, tantôt à Pékin, Tunis ou Conakry ou Léopoldville, il s’échinait pour mobiliser toutes les bonnes volontés progressistes et anticolonialistes afin d’obtenir des subsides pour son parti. De ses voyages, Félix Moumié aurait rassemblé environ 800 millions de francs CFA, dont un demi milliards de la seule Chine en juin 1960 pour soutenir la lutte armée de l’ALNK.

Ses liens très amicaux avec les présidents Sékou Touré et Nkrumah, la direction du Front de Libération National Algérien (F.N.L.) et les Lumumbistes congolais, n’étaient un mystère pour personne. Félix Moumié était un panafricaniste de la première heure. Pour avoir assisté à la conférence des [huit] Etats indépendants d’Afrique qui se tint du 15 au 23 avril 1957, Georges Padmore, Antony Lewis, Geoffrey Bing et d’autres leaders nationalistes d’Afrique, l’avaient pris en estime. À Moumié échut le secrétariat de la conférence. À la première Conférence Afro-Asiatique, il décrocha un poste au secrétariat permanent de la conférence.

En 1950, Moumié avait été élu vice-président de la conférence des partisans pour la paix, il avait participe au Festival de la Jeunesse de Berlin en 1951, à la Conférence Internationale pour la défense de l’Enfant de Vienne en 1952, à l’Union Internationale des Etudiants de Bucarest en septembre 1952. Il était aussi présent à la Conférence des Juristes Afro-asiatiques de Damas en 1958. Il avait déjà une dimension d’homme d’Etat lorsqu’il conduisit en février 1958, la délégation de l’UPC à la 11ème session du Conseil de Tutelle de l’ONU pour réclamer l’indépendance et la réunification immédiates et l’amnistie générale, et en mars 1959 pour exiger des élections avant la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960. bien que séduits par l’argumentation et l’éloquence de Moumié, le conseil de tutelle et l’Assemblée générale adoptèrent la Résolution 1349 (XIII) qui institutionnalisait l’état d’urgence au Cameroun et renvoyait les élections après l’indépendance.

Moumié devenait le procureur farouche du néocolonialisme français et le pourfendeur du  » régime fantoche  » installé à Yaoundé. Ses diatribes toujours plus virulentes dénonçaient inlassablement les « crimes et tortures odieux » infligés aux patriotes camerounais par le « fantoche Ahidjo » et menaçait de créer un Gouvernement Provisoire Kamerunais en exil. Maurice Robert, un autre administrateur barbouze témoigne de l’agacement que cette idée créait dans le microcosme néocolonial : « Le président Ahidjo, déclare t-il, répétait à qui voulait l’entendre qu’il rêvait d’être débarrassé de Moumié. Quand il voyait Foccart, il ne manquait de lui parler des problèmes que lui posait le leader rebelle. Celui-ci avait intensifié la rébellion après la mort d’Um Nyobé. Il lui menait la vie dure et l’empêchait de conduire le pays dans la voie du développement ».

Ahidjo appelait de ses vœux l’effacement de Moumié de la carte politique camerounaise. Dépourvu de moyens propres d’y arriver, il souhaitait que Paris les exhaussât.

« Pour être franc je prônais une solution radicale, je l’avais dit à Foccart », poursuit Robert. Moumié était l’artisan d’une révolte permanente, il appelait à la révolution et risquait de déstabiliser le Cameroun pour le faire basculer au communisme. Il fallait la décapiter pour montrer au peuple camerounais que sa longévité ne traduisait pas son invulnérabilité mais la patience du pouvoir à son égard avant le recours à des méthodes plus expéditives. A l’automne 1960, Moumié était froidement assassiné par les services secrets français. Il n’avait que trente-cinq (35) ans. L’hypothèque Moumié étant soldée, Ahidjo pouvait gouverner en paix pendant vingt-deux (22) ans.

Peu d’assassinats ont par le passé soulagé tant de consciences ; celui du leader upéciste fut célébré comme une victoire, au champagne, par le pouvoir de Yaoundé. Le gouvernement se défendit d’avoir commandité ce meurtre. Charles Okala, le ministre des affaires étrangères déclara que le gouvernement avait déjà son plan pour neutraliser pacifiquement Félix Moumié. Au Ghana et en Guinée ce fut la consternation. Le corps de Moumié fut accueilli avec émotion à Conakry. Son catafalque fut installé pour une veillée populaire au stade du 28 septembre. Le compagnon de lutte décédé eu droit aux honneurs de l’Etat Guinéen.

Félix Moumié qui n’a vécu que 35 ans d’une vie intense, et tumultueuse était un patriote intègre et intransigeant.

« Médecin Africain », sa carrière ne dura que huit ans, au cours desquels il sut se faire aimer et apprécier. Son mérite est qu’il s’efforça plus que d’autres dirigeants de l’UPCi de donner une âme, un sens, et une orientation concrets, politique et idéologique au parti. Malgré sa stature internationale, la faiblesse de Moumié est qu’il n’incarna jamais cette identité collective à laquelle le monde entier voulait croire. À lui seul Moumié ne représentait pas toute l’UPC, mais l’histoire change parfois à cause d’un seul homme.

REPERES:

1925: 1er novembre, naissance de Moumié à l’hôpital de Njissé (Foumban).1935-1938 : Moumié fréquente l’école protestante de Njissé.
1939 : CMI à l’Ecole publique de Bafoussam.
1940 : CMII à l’école régionale de Dschang, où il obtient le certificat d’Etudes
1941 : Moumié admis au concours d’entrée à l’Ecole Supérieure Edouard Renard de Brazzaville.
1945 : Ecole professionnelle William Ponty à Dakar.
1947 : Retour au Cameroun, début de sa carrière professionnelle.
1948 : Um et Moumié se rencontrent à Kribi.
1950 : Moumié élu vice-président de la conférence des partisans pour la paix.
1951 : participe au Festival de la Jeunesse de Berlin.
1952 : Participe à la Conférence Internationale pour la défense de l’Enfant de Vienne.
1952 : Moumié élu président de l’UPC.
1952 : Moumié est Battu aux élections à l’Atcam.
1952 : Moumié participe au congrès de l’Union Internationale des Etudiants de Bucarest en septembre.
1955 : Le 22 avril, Moumié et ses lieutenants émettent  » la proclamation commune  » et émeutes de Douala.
1955 : Le 13 juillet, interdiction de l’U.P.C au Cameroun-Français et exil de Moumié au Cameroun Britannique.
1957 : Le 30 mai, interdiction de l’UPC au Cameroun Britannique et exil au Soudan.
1957 : Du 15 au 23 avril, Moumié assure le secrétariat de la conférence la conférence des [huit] Etats indépendants d’Afrique.
1958 : Asile au Caire.
1958 : Moumié assiste aux rencontres Afro-asiatiques.
1959 : Création de l’Armée de Libération Nationale Kamerunaise (ALNK).
1958 : présent à la Conférence des Juristes Afro-asiatiques de Damas en. Il avait 1958 : février, Moumié conduit la délégation de l’UPC à la 11ème session du Conseil de Tutelle.
1959 : mars, Moumié conduit la délégation de l’UPC à l’ONU pour exiger des élections avant la proclamation de l’indépendance.
1960 : Le 3 novembre, décès de Félix Moumié.

Sources:
Quotidien Mutations (Cameroun), des 27 et 28 novembre 2007
https://blogs.mediapart.fr/joel-didier-engo/blog/031113/felix-moumie-un-martyr-de-la-revolution-et-du-nationalisme-camerounais

(*) Historien camerounais

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