L’homélie du Pr Ndé Mu Fopinn
(Organisation pour la Renaissance de la Tradition Africaine)
L’ORTA (Organisation pour la Renaissance de la Tradition Africaine) est une
association créée par et pour les Africains soucieux de la préservation de l’identité
culturelle multidimensionnelle des peuples africains face au danger de la
mondialisation.
C’est une association ouverte et prête à accueillir tous ceux qui ont des préoccupations
analogues.
DÉCLARATION N° 1
Déclaration sur l’Affaire Rois Bamiléké contre l’Église Catholique à l’OuestCameroun
- Vu la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ;
- Vu la Constitution de la République du Cameroun portant laïcité de l’Etat, liberté de culte et libre pratique de son exercice ;
- Attendu que la Religion traditionnelle africaine (l’Animisme) est une religion au même titre que les autres religions du monde, que ses Chefs spirituels (les rois et autres chefs traditionnels) sont équivalents aux chefs spirituels des autres religions, et que l’Animisme est la plus ancienne religion du monde, et la Mère des religions ;
- Attendu que, lors des obsèques dans le village Baleveng, le curé a cru bon d’arrêter son homélie, du fait de l’arrivée du Roi de Bafou qui d’après lui a perturbé la cérémonie, Mg Lontsié, évêque de Bafoussam a sauté sur l’occasion pour s’insurger contre les Rois de Bafou et de Foto en déclarant au cours d’une messe : « Un chef n’est qu’un chef, rien qu’un chef, un point c’est tout. Pas plus, ni moins. Dieu seul est Dieu », « Nous n’allons plus nous laisser faire » et autres langages de provocation ;
- Attendu que Mg Lontsié a appuyé son invective contre les Rois en convoquant
l’Accord-Cadre signé entre le Vatican et l’Etat du Cameroun, et que ces déclarations incendiaires ont été relayées et soutenues par un autre prêtre sur YouTube et les
membres de ACDI (Assemblée des Clercs Incardinés à Bafoussam) dans une « Mise
au Point Catéchétique » ; - Attendu que les Rois ont réagi par une « Lettre ouverte » dans laquelle ils affirment leur position commune et annoncent des mesures importantes ;
Compte tenu de tout ce qui précède, et de toutes les forfaitures présentes et
passées de l’Église catholique à l’endroit des Chefs traditionnels, de lapopulation de l’Ouest, du Cameroun et de l’Afrique, nous, membres de l’ORTA, - Nous condamnons avec la dernière énergie, les propos injurieux et blasphématoires proférés par Mgr Lontsié à l’endroit des rois Bamiléké, car, en français, dans les langues Bamiléké et dans toutes les langues du monde, les expressions « un … n’est que … », « rien que … », c’est rabaissant, méprisant et finalement insultant.
- Nous rappelons à Mgr Lontsié – car il le sait en tant qu’originaire du pays Bamiléké
– qu’il a commis un sacrilège extrêmement grave, puisque chez les Bamiléké de
l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le Roi est le Chef Spirituel de la Religion
traditionnelle de la communauté, tant il est vrai que les peuples Bamiléké, avant
même l’arrivée des Arabes puis des Européens, croyaient et croient en Dieu et
pratiquent le culte des Ancêtres ; - Nous estimons que les Rois, sultans, lamidos et autres chefs traditionnels sont dans leur droit et leur rôle, lorsqu’ils professent des paroles et posent des actes dans le sens de la préservation de la foi traditionnelle ou des us et coutumes de leurs villages et de leurs peuples ;
- Nous estimons que l’acte de Mgr Lontsié avec un parti pris de dénigrement, est un
acte extrêmement pernicieux, car il crée la division et la haine au sein de la communauté, entre chrétiens et non-chrétiens, entre pro-Roi et anti-Roi, heureuse vise in fine, la déstabilisation des Rois Bamiléké et des Institutions traditionnelles qu’ils incarnent, dans le but ultime de bien asseoir le Christianisme, qui est une religion
importée, et finalement dangereuse, voire mortelle pour la religion traditionnelle et
la tradition en général ; - Nous appuyons l’interdiction par les Rois de l’utilisation des attributs et objets
rituels dans les églises, car ce sont des objets sacrés de la spiritualité traditionnelle
Bamiléké, et les utiliser hors du cadre traditionnel tel que institué par nos Ancêtres revient à les dévaloriser, à les banaliser, à les désacraliser. Ces objets sont : la peau de panthère, le tissu « ndop », la queue de cheval, le jujube, le couoquin (arbre de paix), le tam-tam, etc. Les contrevenants devraient être immédiatement dénoncés au
Palais Royal et sanctionnées en conséquence. - Nous l’appuyons d’autant plus que tout le monde sait que chaque religion a ses
objets de rituels sacrés quelle défend jalousement ; si on utilisait par exemple le
chapelet et la croix dans une mosquée, l’évêque se sentirait blessé et ne l’accepterait pas ; si on utilisait le chapelet musulman et l’icône du croissant de lune dans une église, l’imam se sentirait blessé et ne l’accepterait pas. - Nous soutenons les Rois dans leur décision de ne plus entrer dans une église. C’est l’effet d’une prise de conscience : Normalement, en tant que Chef Spirituel de la Religion traditionnelle de sa communauté, le roi ne devrait pas fréquenter les chapelles des autres religions. Qui a déjà vu un imam aller à la messe les dimanches ? Qui a déjà vu un évêque à la prière dans la mosquée les vendredis ?
- Nous félicitons les membres l’association JDB (Jeunesse Dynamique de Bafou) et
les encourageons pour leur prompte réaction musclée face la violente agression verbale de Mgr Lontsié qui a osé s’attaquer à leur Roi et Homme de Dieu ; - Par ailleurs nous avons bien pris note de ce que l’évêque de Bafoussam a déclaré
dans une paroisse à Foto qu’ils feront la messe dans les concessions au besoin avec la police, comme le Pape qui a sa police. Qu’il sache – d’ailleurs il est Bamiléké –que les Bamiléké sont un peuple essentiellement non-agressif, pacifiste, loyaliste et royaliste, mais un peuple qui sait se défendre avec ses moyens efficaces en cas de provocation, d’où qu’elle vienne, qu’il ne cède pas au chantage, et qu’il n’a pas peur de la police lorsqu’il est dans son bon droit. - Nous battons en brèche les déclarations de ce prêtre Bamiléké qui déclare sur
YouTube que l’eucharistie est sacrée et ne doit être perturbée par qui que ce soit ;
nous lui répondons simplement qu’il aurait eu raison si l’incident de Baleveng avait
eu lieu dans une paroisse, seul lieu où l’eucharistie est sacrée pour toute l’assistance. - Nous soutenons les mesures énergiques prises par les Rois concernant les cours de deuil, car, transformer les cours de deuil en églises, y faire toute une messe comme
dans une église, profiter de l’affluence pour imposer à tout le monde de longs
discours d’évangélisation des masses comme dans une église n’est rien d’autre que de l’abus. Les chefs traditionnels Bamiléké ne sont pas naïfs, ils ont vite compris la stratégie du Christianisme en Afrique, qui consiste à exploiter toutes les occasions pour arracher la population locale à sa foi traditionnelle pour la convertir à la religion étrangère, et ils ont décidé de réagir vigoureusement en vertu de l’initiation qu’ils ont suivie au La’kam et du serment qu’ils ont proféré le jour de leur
intronisation, à savoir être les garants, les gardiens et les défenseurs des lieux sacrés, de la foi traditionnelle et de la tradition en général. - Nous appuyons la position de Sa Majesté Tchio, roi de Bamendjo et Président du
Conseil des Chefs traditionnels de l’Ouest, lorsqu’il affirme dans une interview que
les rois et la population viennent dans une cours de deuil pour compatir avec la
famille éprouvée, et non pour suivre une messe catholique, protestante ou autre. - Il existe certes un Accord-Cadre entre l’Église catholique et l’État du Cameroun.
Mais cet accord ne donne pas aux agents de l’église le droit de se moquer, dénigrer,
dévaloriser, désacraliser, piétiner, bref écraser la population et le roi qui pratiquent et sauvegardent la foi traditionnelle millénaire. Au demeurant, les rois Bamiléké respectent spontanément cet accord en laissant construire des églises sur leurs
territoires, et n’entrant pas dans les églises pour donner des ordres. Qu’il en soit de
même pour les prêtres : ils n’ont pas d’ordres à donner sur les places de deuil dans les concessions. Par contre le Roi a le droit et le pouvoir de le faire ; car c’est le
Chef Spirituel du village. Respectons les lignes ! - L’évêque a autorité sur les chrétiens, mais pas sur la population et son roi. La
population est sous l’autorité du Roi et de l’Administration, mais pas sous celle de
l’évêque. Un prêtre en pleine eucharistie dans une église est en quelque sorte le
maître des cérémonies, mais ce n’est pas le cas hors de l’église, dans tout endroit du village, dans une cour de deuil. Les obsèques chez les Bamiléké, c’est une
cérémonie traditionnelle communautaire basée sur la foi traditionnelle, se déroulant
dans un cadre traditionnel. Mais si le prêtre y est invité, il doit savoir où il est, qu’il
n’est pas dans son église, et que ses pouvoirs sont très restreints ici, pour ne pas dire nuls. Par exemple il ne doit pas chercher à conduire la cérémonie, décider
d’intervenir à temps et à contretemps, parfois contre la volonté de la famille
endeuillée, entrer dans l’enclos d’enterrement ou aller derrière la maison lieu d’enterrement sous prétexte de bénir la tombe, et surtout pas s’offusquer de l’heure d’arrivée du Chef de la foi traditionnelle et de l’Administration traditionnelle, c’est-
à-dire le Roi, qui est la plus haute autorité en la circonstance. - Nous remercions le Roi Ndong Kana de Bafou, le roi Momo Soffack de Foto ainsi
que les autres rois qui ont courageusement écrit et signé la « Lettre Ouverte à
Monseigneur Paul Lontsié Keuné » pour défendre notre tradition ancestrale qui nous est si chère contre cet ennemi mortel tapi dans l’ombre. Nous nous tenons à leurs
côtés pour les accompagner dans leur lutte pour la préservation de notre religion
traditionnelle et de nos us et coutumes, car leur combat, c’est notre combat, c’est le
combat de toute la population Bamiléké, un peuple fortement enraciné dans sa
tradition, ce qui nous vaut l’admiration du monde entier. C’est un combat
existentiel, car si notre religion traditionnelle et notre tradition entière meurent dans les mains des rois actuels, c’est qu’ils ont trahi et failli, même nous, et l’Histoire retiendra. - Pour terminer, ORTA demande à l’évêque de Bafoussam d’arrêter ses discours
impérialistes et son comportement condescendant, son ton hautain envers les rois, les populations et le pays Bamiléké dont il est originaire, et de demander pardon aux Rois et à travers eux aux Ancêtres dont il porte le sang. Yaoundé, le 11 Juillet 2024. Pour l’ORTA, le Président
Pr NDE MU FOPINN
(*) Le surtitre, le chapô et le titre sont de la rédaction